Le sport de haut niveau est souvent une source d’inspiration pour les entreprises et organisations. Alors comme j’ai eu la chance ou l’opportunité d’accueillir pendant quelques jours des sportifs de haut niveau Norvègiens, j’en ai profité pour avoir un échange avec eux sur le sujet suivant : la cohésion d’équipe est-elle un des leviers de leur performance ?
Tout d’abord posons le cadre :
- 2 jeunes biathlètes Norvègiens de l’équipe élite : Johannes Dale et Sturla Laegried viennent passer 5 jours à la maison entre un stage d’entrainement en altitude et un évènement estival (le Martin Fourcade Nordic Festival à Annecy).
- Ce sont les 2 plus jeunes de l’équipe qui ont fait sensation la saison dernière (en remportant notamment des titres de Champions du Monde, et des podiums aux Championnats du monde et en coupe du monde).
- Lors de la dernière saison de biathlon, l’équipe de Norvège a été présente sur 95% des podiums (sauf sur le sprint des Championnats du monde)[1]
[1] Palmarès à retrouver sur www.biathlonworld.com
Mon intention est bien sûr d’apprécier si cohésion et performance sont liées, d’évaluer ce que cela exige individuellement, et quelle est la responsabilité de chacun ?
Je voudrais préciser que dans le staff de l’équipe de Norvège de biathlon (c’est-à-dire les professionnels qui gravitent autour des athlétes) il y a des Norvègiens, bien sûr, mais des Italiens, des Français, l’approche est interculturelle, et même si les cultures qui se croisent sont européennes, cela veut dire qu’il y a eu des adaptations, des besoins de s’ajuster pour chacun… J’ai le sentiment que cela accroit l’ouverture d’esprit, la curiosité, et le respect des différences. Je voudrais dire que la première chose qui m’aie frappée chez ces athlètes c’est leur curiosité, leur envie de partager avec moi leur expérience et ressenti avec beaucoup d’humilité.
Voilà donc un extrait et traduction de nos échanges :
- Qu’est-ce que ça représente d’intégrer une des meilleures équipes du monde de biathlon ?
SL : « Pour ma première saison, je ne m’attendais pas à gagner, mon objectif était de faire de mon mieux, ce pour quoi je m’entraine. En fait mon objectif était de rester le plus longtemps possible avec l’équipe élite. Je connais mes capacités et je m’y fie. Je ne vis pas les courses comme un combat contre les autres, mais davantage comme un défi à moi-même. Alors gagner était vraiment fun. Avant la saison le premier stage d’entrainement a été très dur pour moi, le niveau était différent de ce que j’avais connu, mais je savais que j’avais mérité ma place, il ne me restait plus qu’à saisir l’opportunité. »
JD : « il nous arrivait de courir en championnat nationaux face aux leaders de la discipline, et puis certains stages d’entrainement étaient communs entre l’équipe A et B. Donc travailler ensemble est devenu normal ; par contre avoir ma place dans l’équipe élite n’avait rien de normal pour moi »
2. Comment est-on accueilli ? quelles sont vos attentes vis à vis de vos co-équipiers, des coachs, du staff ?
JD : « Avant la première course sur le circuit coupe du monde, les coachs sont venus me voir pour me dire qu’ils n’attendaient rien de moi, pas de pression, que je devais faire ce que je savais faire et surtout apprendre. Mais c’est frustrant car moi je voulais absolument montrer le meilleur, faire plus, mériter ma place ! La seule pression était la mienne, c’est la plus dure à gérer (sourire) »
SL : « J’ai eu le même discours des coachs, je suis resté très focalisé sur mes objectifs à savoir être dans le match qui me permettrait de rester le plus longtemps en coupe du monde, mais cela ne veut même pas dire être dans les 10… Or j’ai gagné la première course. Cela m’a donné de la sérénité (rire) »
JD : « Nous avons la chance d’être dans une équipe où l’ambiance est conviviale, on s’entraine avec des champions (Tarjei Boe, Johannes Boe) qui ont beaucoup d’expérience, j’ai beaucoup de respect pour eux mais je n’ai jamais eu peur de les battre ; simplement parce que si c’est le cas, ils viendront me féliciter, ils seront contents pour moi. Notre sport est très mental, il est important que nous restions concentrer sur le positif. J’imagine que des jalousies, ou de la compétition dans l’équipe pourrait nuire à notre besoin de garder la tête froide. »
3. Que se passe-t-il quand on challenge le leader de l’équipe ?équipiers, des coachs, du staff ?
SL : « La différence de points au classement général se réduisait en ma faveur au fur et à mesure que la saison avançait, j’étais très concentré sur ce que j’avais à faire et je ne portais pas beaucoup d’attention aux points. Mais cela était possible car notre leader (aussi leader du classement général) n’a jamais eu vis-à-vis de moi une attitude déstabilisante. Il a toujours assumé son rôle de leader en prenant soin du groupe même quand son « maillot jaune » était en danger. Alors j’ai pu continuer de faire ce que je savais faire, acquérir de l’expérience à chaque nouvelle course et continuer de progresser. C’est bon de gagner dans cette équipe car nos victoires individuelles sont appréciées et célébrées collectivement. »
JD : « Je suis 100% d’accord, j’apprécie beaucoup la façon dont Johannes (Boe) assure le leadership, il dit « nous », il prend soin du groupe, il est très ouvert. Son attitude permet aussi à chacun de prendre part à cette cohésion de groupe, de prendre la responsabilité qui nous incombe individuellement à créer des conditions de la vie dans l’équipe qui soient favorables à notre performance, je sais skier et tirer, mais sans techniciens, coachs, kinés, co-équipiers, je suis incapable de performer. »
4. Quels sont, selon vous, les principaux facteurs de la performance et de la réussite collective et individuelle de l’équipe ?
JD : « Nous avons confiance en nos coachs, nos coéquipiers, la pire des choses pour nous serait d’être sceptiques ou méfiants. Mais la bonne ambiance, le bon fonctionnement c’est une responsabilité partagée, tout le monde joue le jeu, c’est indispensable même quand c’est dur ou que l’on a moins envie. »
SL : « Nous sommes un groupe, tous ensemble, c’est une compétition pas un combat. Cette compétition chacun d’entre nous a les moyens de la gagner, et cela grâce au travail collectif. »
JD : « Mon objectif principal est de grandir et progresser en tant que biathlète, ce qui m’anime est de prendre cette route qui monte en pente douce vers mon objectif. Mais je ne le réaliserai jamais aux dépens de mes coéquipiers. »
SL : « En tant que biathlète je veux la course parfaite, ce n’est pas forcément la course qui me fera gagner, mais c’est la course qui me permettra d’apprécier que j’ai progressé, que j’ai réalisé le tir parfait. Je travaille sur et avec toutes les opportunités pour devenir meilleur, cela en étant attentif au groupe, toujours. »
5. Réalisez-vous que vous aussi, vous devenez des « role models » ?
JD : « C’est une responsabilité ! quand j’étais plus jeune, ça me rendait fou de joie quand un de mes role models m’accordait ne serait-ce qu’une seconde d’attention, malgré toutes les sollicitations que l’on peut avoir, il ne faut jamais oublier ça. »
SL : « c’est dur d’imaginer que les gens puissent me regarder avec admiration. Mais Johannes a raison, c’est une responsabilité ! Il faut être à la hauteur. »
Pour conclure cet article, je voudrais dire tout le plaisir que j’ai eu d’échanger avec ces athlétes, qui se sont livrés avec une grande sincérité, et humilité. Et les remercier chaleureusement.
J’ai envie de retenir :
- Que la cohésion dans leur équipe EST une des facteurs de leur réussite
- Que cette cohésion est le fruit d’une prise de responsabilité individuelle à contribuer à la vie du groupe selon des régles de vie communes.
- Il y a de la confiance les uns dans les autres, du respect. Et pourtant chacun a la possibilité de s’exprimer.
- Que chacun partage son expérience, son expertise indépendamment de son ancienneté… Ainsi chacun a la possibilité de faire progresser l’autre.
- Les victoires individuelles sont célébrées collectivement.
Rien de nouveau finalement, mais il y a des sujets qui ne méritent pas de déployer des trésors d’innovation, et des « vieilles » recettes dont le succés n’est plus à démontrer…
Cet échange m’a donné le sourire… et a confirmé ce que je pense depuis longtemps : être bien dans son travail, c’est accepter individuellement de contribuer à la bonne ambiance dans le collectif, cela demande un engagement et une prise de responsabilité individuelle, mais ne dit-on pas que « les petites rivières font les grands fleuves ».
Et vous, comment travaillez-vous la cohésion de vos équipes ? Êtes-vous satisfait ?
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