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épisode 1 : managers et émotions :font-ils bon ménage ?

Depuis très longtemps je suis convaincue que les émotions sont nos alliées au quotidien, et le développement des neurosciences a confirmé cette conviction. Je suis aussi de celles et ceux que l’on pourrait qualifier d’émotionnellement sensible, tant je vis dans ma journée des décharges émotionnelles fortes, de celles qui se traduisent physiquement : chaleurs, contraction d’estomac, rose aux joues, mains moites, agitation, intonation de voix qui se durcit, … Ce sont là les signaux qui n’ont pas d’effets négatifs dans l’interaction avec les autres, il m’appartient simplement de faire avec l’inconfort qu’ils me procurent.

Mais il y a aussi toutes ces réactions que j’extériorise et qui, dans certaines situations me mettent en difficulté : une parole sortie trop vite, une moue largement partagée, une réaction non maitrisée… et me voici face à un ou des interlocuteurs qui vont répondre, se défendre (à juste titre) et l’échange devient alors stérile. Je me suis donc retrouvée dans des situations professionnelles où je me suis pénalisée toute seule par mon incapacité à réguler mon émotion et donc la réaction qui va avec.


Or je ne peux pas taire, toutes les fois où dire mon émotion a permis de « relâcher » la pression, de créer un autre lien avec mon interlocuteur. Et surtout cela a ouvert une nouvelle boite de dialogue.

Aaaah le dialogue ! Quand on est manager, il s’agit d’entretenir une relation où la confiance devrait être un des fondements; dans la construction de cette confiance, le dialogue est un outils clé mais ce n’est pas le seul !

Il est important de se pencher sur le fonctionnement de nos émotions et de se demander si elles seront des alliées ou des ennemies ? Personnellement j’ai choisi mon camp ! Mais qu’en est-il pour vous ? comment vivez-vous avec vos émotions dans votre environnement professionnel et votre relation managériale?

Je vous propose de vous donner quelques clés simples pour comprendre comment ça marche ? Et, dans un prochain article, d’envisager d’utiliser les émotions dans des situations managériales où elles pourraient vous permettre de faire une différence positive.


Comment marchent les émotions ?

99% d’entre nous cohabitons avec nos émotions quotidiennement, et pourtant nous ne prenons pas ou peu de temps de comprendre ce qui les déclenche ? à quoi elles servent ? et comment les réguler ? Nos émotions sont depuis la nuit des temps les alliées de notre survie ; en effet une émotion déstabilise notre corps pour nous dire qu’il faut faire quelque chose. Ce signal (de survie) est déclenché par un événement qui survient dans notre environnement externe (un mail d’un client pas content, une insulte, un oubli,…) ou interne (une pensée). C’est une réaction quasi automatique qui nous permet de réagir à temps, il est donc important de ne pas pouvoir maitriser ce signal, d’autant plus que les émotions jouent un rôle important dans nos prises de décisions.

Or depuis que nous sommes petits, on nous apprend qu’il est important de les maitriser : « ne pleure pas ! », « pourquoi tu t’énerves ?», « calme toi ! »… Cela persiste quand on grandit, et dans notre monde du travail c’est encore tabou : les émotions sont encouragées à rester à la porte. La seule émotion valable au travail est la joie (de réaliser des objectifs, performer), mais pour les autres (colère, peur, tristesse, dégout) il est préférable de rester neutre.

Pourtant des observations scientifiques, et des expérimentations ont montré qu’ignorer ses émotions est contre-productif. La « stratégie de suppression », c’est-à-dire couper l’expression de son émotion peut faire augmenter la charge émotionnelle dans le cerveau et ainsi nous couper de la possibilité de résoudre le problème. Il est important aussi de comprendre que la partie de notre cerveau qui gère les émotions (système sous cortical) et celle qui gère la raison (le système cortical) s’informent et échangent, et c’est grâce à ces échanges que nous sommes en mesure de prendre des décisions qui nous apparaissent les plus adaptées à la situation.

Quel est l’impact des émotions dans la qualité de nos relations avec les autres ?

Howard Gardner, psychologue américain, a théorisé le principe des intelligences multiples dont l’intelligence émotionnelle qui se décline en 2 types d’intelligence : l’intelligence interpersonnelle et l’intelligence intrapersonnelle dont les caractéristiques confèrent aux individus une capacité forte à comprendre leurs émotions et celles des autres, et ainsi avoir une finesse d’approche des autres et des capacités à communiquer en direction des autres.

L’intelligence émotionnelle c’est la capacité de gérer 3 phases :

  • Identifier ses émotions et celles des autres
  • Comprendre (quel est l’élément déclencheur de l’émotion ?)
  • Réguler

L’intelligence émotionnelle n’est pas innée, ce qui veut dire que tout le monde peut la développer. Cela nécessite un peu de travail et d’entrainement au départ puis la plasticité de notre cerveau fera le reste. Alors comment développer cette compétence douce (soft skill : intégrée à l’individu)? Et si elle est aussi magique pourquoi les entreprises et les organisations ne s’en saisissent pas autant que l’on pourrait imaginer ? Tout d’abord les soft skills ne sont pas intégrées dans les cursus scolaires (contrairement aux pays d’Amérique du Nord), et donc pas enseignées. Quand on interroge les jeunes sur leur avenir la question qui nous vient naturellement est :  « quel métier veux-tu faire plus tard ? » et rarement : «  de quoi as-tu envie ? qu’est ce qui te plait ? » Donc notre approche n’est jamais tournée vers le ressenti, l’envie, mais toujours vers quelque chose de tangible : un métier, des résultats financiers, des réalisations d’objectifs, penser une stratégie à court, long et moyen terme.

De manière récurrente quand j’accompagne des managers, ils disent :« mais je n’ai pas le temps de me préoccuper des états d’âmes de tout le monde, et puis je passe tellement de temps en réunion que j’annule les points avec mes collaborateurs, s’ils ont un problème ils savent que je suis joignable ! ». Ils le savent, oui ! Mais font-ils vraiment la démarche d’appeler s’ils ont un probléme qui n’est pas technique ? Car le manager qui supprime des points collectifs ou individuels avec son équipe est moins confronté à leurs états d’âme, à leurs opinions, donc il perd la capacité à les décrypter, s’en suit alors un sentiment d’isolement des managers et des managés.

Il y a une autre réalité : plus on a un poste hiérarchique élevé moins on est fort pour lire les émotions. Quand on occupe une position de pouvoir, l’opinion est moins remise en question, ce qui a tendance a exacerbé le biais égocentrique qui va accroitre la tendance à penser que l’on a raison, que l’opinion fait foi et par conséquent on perd en capacité à changer de point de vue, mais aussi à se mettre à la place des autres.

Un manager ou une personne en position de pouvoir régule ses émotions de manière exacerbée : renvoie l’image que tout va bien ce qui l’empêche de partager ses émotions et de les résoudre. Par conséquent les managers aussi devraient avoir un relai de verbalisation de leurs émotions.

Dans un prochain article, je vais m’attacher à proposer des pistes de travail, à illustrer les effets que peuvent avoir les émotions dans une entreprise quand elles sont accueillies, comprises et régulées. Je vous le redis je suis convaincue que toute personne qui se sent écoutée, en confiance sera plus sereine (même dans des réalités de travail à fortes contraintes) et plus motivée.

Alors restez attentifs si vous êtes curieux ou intéressés par des petites astuces qui vous permettront de développer votre intelligence émotionnelle au service de vos pratiques managériales.

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